Un bouddha thaï rejoint les collections régionales

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Le musée départemental des arts asiatiques à Nice a acquis en 2021 une statue en bronze du Bouddha Mâravijava (« vainqueur de Mâra ») du second style de l’école de Chieng Sên.

Bouddha Mâravijava, bronze,
Bouddha Mâravijava, bronze, Thaïlande, fin XVe siècle, H. 73 x L. 39 x P. 23 cm, inv. 2021.3.1
© Vincent Girier Dufournier

Le Bouddha est représenté en posture assise de demi-lotus (vîrâsana), le corps très droit, sur un piédestal de lotus soutenu par un socle tripode. Les bras écartés du corps, il fait de la main droite le geste de la « prise de la terre à témoin » (bhûmisparśa mudrâ) : la terre, garantissant tous ses actes méritoires, lui permet de vaincre Mâra, dieu de la mort et du désir. La robe monastique découvre le côté droit du torse délicatement modelé, à la poitrine forte et aux épaules très larges, conformément aux descriptions traditionnelles du corps du Bouddha. Le visage est empreint d’une grande sérénité : les paupières, mi-closes, expriment l’introspection ; le sourire discret est le signe de la compassion pour les hommes. La coiffe, aux boucles concentriques, comporte un important ushnîsha hémisphérique surmonté d’un ornement flamboyant (rasmi).

La statue est caractéristique des productions du royaume thaï du Nord de Lan Na, fondé au milieu du XIIIe siècle. Elle s’inscrit dans le type « Lion » de A. B. Griswold, régi par la même iconographie que le Phra Sing du temple de Wat Phra Sing Luang, daté de 1492. Emblématique de l’esthétique thaïe par ses caractéristiques générales, ce Bouddha appartient plus précisément au second style de Chieng Sên. Ce dernier fait suite à un premier style fortement marqué par la tradition pâla du nord-est de l’Inde (750-1174) et correspond à une période durant laquelle l’art du royaume voisin de Sukhothaï (v. 1240-1438) prend progressivement une influence majeure. Plusieurs éléments – proportions, modelé, posture, stylisation de la coiffure, ornement en flamme, qualité de la fonte – autorisent à dater cet exemplaire de la fin du XVe siècle.

Détail main © MAA
Détail main © MAA
Détail visage © MAA
Détail visage © MAA
Détail profil © MAA
Détail profil © MAA

Ce Bouddha s’avère d’un intérêt majeur car il complète l’ensemble de statues bouddhiques présenté de manière permanente dans la rotonde du musée. Cette collection vise à montrer au public la diffusion de la religion née en Inde à travers le continent asiatique jusqu’à en devenir le dénominateur commun. L’œuvre met ainsi en valeur la production d’images religieuses en métal, aux côtés d’une statuette en bronze d’Acuoye Guanyin (royaume de Dali, XIIe siècle, inv. 2005.19.1). L’importance de cette statue réside en outre dans sa nature transitoire, entre modèle pâla et influence de Sukhothaï, entre canon et variation, ce qui fait d’elle un support privilégié de médiation sur l’art de l’Asie du Sud-Est. Enfin, elle permet d’inscrire à l’inventaire du musée un type rare, d’une période très peu attestée dans les collections nationales.

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